L’histoire et l’évolution de savika en tant que sport populaire

Dans cet article, nous explorerons l’histoire fascinante de savika, un sport traditionnel malgache qui a évolué à partir d’un simple jeu entre agriculteurs et leur bétail en un rituel complexe et un spectacle spectaculaire. Nous discuterons également de la récente standardisation de savika en tant que sport professionnel et de son impact sur la pratique traditionnelle.

1. L’histoire et l’évolution de savika en tant que sport populaire

Savika, également appelé savik’omby (littéralement “s’accrocher au dos d’un zébu”), est un sport traditionnel de lutte contre les zébus pratiqué par le peuple Betsileo de Madagascar. À l’origine, il s’agissait d’un jeu entre les agriculteurs de riz et leur bétail, mais il a évolué en un rituel complexe impliquant des guérisseurs magiques, des gardiens traditionnels et des lutteurs légendaires. Au fil du temps, savika est devenu une pratique importante pour les Betsileo, notamment en tant que moyen pour les jeunes hommes d’impressionner les futures épouses et leurs familles. La préparation à savika commence dès l’enfance, avec des jeux imaginaires mettant en scène des zébus appelés kiombiomby, avant de s’entraîner avec de vrais taureaux.

Depuis sa création, savika a survécu à plusieurs changements culturels majeurs à Madagascar, tels que la christianisation, la colonisation et la décolonisation. De nos jours, une forme standardisée et professionnelle de savika s’est développée en tant que sport populaire autour de la capitale du pays. Cependant, cela a suscité des controverses parmi les communautés qui ont vu dans cette commercialisation une perte des valeurs traditionnelles. Malgré cela, savika reste un rite de passage important pour les jeunes Betsileo, leur enseignant la résilience et la domination tout en les initiant à une tradition orale patrimoniale transmise par une hiérarchie de pères, de grands lutteurs, de protecteurs et de guérisseurs.

2. Les rituels et les préparatifs pour savika

Savika est considéré comme sacré, et le combat lui-même est précédé d’un certain nombre de rituels, notamment des offrandes de rhum, des demandes de bénédiction et une période d’abstinence sexuelle. Les mpisavika (lutteurs) forment des équipes d’environ dix personnes en fonction de leur affiliation villageoise et de leur niveau de compétence, supervisées par des raimandreny (protecteurs) et des ombiasa. Les gendres forment leur propre classe, appelée vinato. Les équipes se réunissent la veille du combat pour manger ensemble dans un bol commun et se purifier avec des talismans ou des potions magiques appelés ody. Pour se préparer au combat, les mpisavika suivent certains fady (tabous) symbolisant l’évitement ou la pénétration : pas de siège aux carrefours, pas de boisson aux intersections des ruisseaux, pas de nourriture mélangée. Un tabou exige que les femmes n’entrent pas dans l’arène, avec pour conséquence une blessure grave ou la mort en cas de violation. C’est pourquoi il n’y a pas de femmes mpisavika. Les mpisavika qui arrivent pour un combat dans un endroit qui leur est inconnu doivent consulter l’ombiasy local pour connaître les fady locaux. La violation de ces fady est censée entraîner une blessure pour le lutteur. Un mpisavika qui a violé les fady nécessaires doit faire un sacrifice coûteux, qui peut aller d’un coq à un zébu en bonne santé, selon la gravité de son infraction. Si le contrevenant subit une blessure grave lors du combat, l’ombiasy est chargé de le guérir, souvent en utilisant sa propre salive mélangée aux plantes médicinales fanamoka, ahibalala et tsimanandra.

Le jour du combat, les lutteurs boivent traditionnellement une potion de force et portent des vêtements spéciaux. Les lutteurs de la tribu forestière des Tanala boivent une infusion de saro et de soafotsy comme tonique pré-savika. Les mpisavika Betsileo boivent souvent de l’alcool avant de combattre, y compris lors des funérailles.

3. Le rôle social et l’importance de savika dans la société Betsileo

Savika joue un rôle éducatif important pour les jeunes Betsileo, leur enseignant des valeurs telles que la résilience et la dominance. Les jeunes hommes qui participent à savika doivent faire preuve de force et de courage pour affronter les zébus et les amener au sol. Cette compétence est considérée comme essentielle pour impressionner les familles des futures épouses, car elle démontre leur capacité à protéger et à prendre soin de leur famille.

En plus d’être un rite de passage pour les jeunes hommes, savika revêt également une grande importance symbolique dans la société Betsileo. La performance à savika est considérée comme un signe de masculinité et de virilité, et une victoire apporte gloire au lutteur, à son village et à ses ancêtres. Les meilleurs lutteurs sont respectés et admirés au sein de leur communauté, ce qui renforce leur statut social. Savika est donc bien plus qu’un simple sport, c’est un élément central de l’identité culturelle des Betsileo.

4. La sélection des zébus pour le combat de savika

Les zébus utilisés pour le combat de savika sont choisis en fonction de leur apparence, de leur pedigree et de leur apparence féroce et forte. Les éleveurs sélectionnent les zébus en fonction de la taille de leur bosse, du développement de leurs cornes et de leur musculature. Les zébus agressifs se vendent à des prix beaucoup plus élevés que les bovins dociles, surtout lorsque des lutteurs sont présents sur le marché. L’agressivité des zébus est décrite selon un système de classification, par exemple les zébus magnapika qui “empalent du bas vers le haut”. Une fois qu’un zébu est acheté, un ombiasa (guérisseur) effectue des rituels pour rendre l’animal invincible et lui donne une potion fortifiante dont la formule est gardée secrète pour éviter la production d’un antidote. Les zébus dociles qui sont par ailleurs de bons candidats pour savika peuvent recevoir des stimulants avant d’entrer dans l’arène.

La sélection des zébus pour savika est un processus important car la performance du zébu lors du combat détermine en partie le succès du lutteur. Les éleveurs recherchent donc des animaux avec de grandes bosses, des cornes développées et un corps musclé. Les zébus les plus désirables sont soit noirs rougeâtres avec des oreilles grises, soit ont un pelage tricolore (rouge, noir et blanc). Les acheteurs testent l’agressivité des zébus sur le marché en les taquinant avec des bâtons, et les zébus agressifs se vendent à des prix beaucoup plus élevés que les bovins dociles. La sélection minutieuse des zébus garantit que seuls les animaux les plus forts et les plus féroces participent au combat de savika, ce qui rend l’événement encore plus spectaculaire pour les spectateurs.

5. Les occasions spéciales où savika est pratiqué

Outre les combats de savika an-tanimbary, les matches de savika sont organisés lors de festivals et de rituels du calendrier Betsileo. L’organisation d’un spectacle de savika est considérée comme un signe de richesse, et c’est traditionnellement la responsabilité des anciens et des grands combattants. Des entrepreneurs locaux et des candidats à des fonctions publiques peuvent également organiser des combats de savika.

Pendant la période des rites de circoncision, qui ont lieu pendant les mois plus froids de mai ou juin pour permettre une guérison plus rapide des blessures des garçons, les familles organisent des combats de savika pour promouvoir la force et la persévérance chez les enfants. Les Betsileo chrétiens associent la saison de savika à Pâques et à la Pentecôte. Des combats ont également lieu lors des cérémonies annuelles de famadihana, qui consistent à exhumer les corps ancestraux. Certaines tribus organisent des combats funéraires de savika dans le cadre des festivités qui suivent le cortège et l’enterrement : le rituel vise à distraire l’une des deux âmes immortelles du défunt. Parmi les Betsileo, le taureau lutteur est finalement abattu et sa viande est utilisée pour nourrir les invités ou offerte aux invités en échange de leurs cadeaux. Certains villages, notamment la commune de Manandriana-Avaradrano, organisent des combats de savika pour célébrer la Journée de l’Indépendance de Madagascar le 26 juin.

6. Les autres traditions de combat de taureaux à Madagascar

En plus de savika, il existe d’autres traditions de combat de taureaux à Madagascar qui méritent d’être mentionnées. Parmi elles, on trouve le mitolo aomby chez le peuple Bara et le kidramadrama chez les Sakalava. Bien que ces traditions partagent certaines similitudes avec savika, elles diffèrent à la fois sur le plan des techniques utilisées et du contexte culturel dans lequel elles s’inscrivent.

Le mitolo aomby est pratiqué par le peuple Bara et est associé aux processions funéraires. Les taureaux sont excités et montés par les participants, créant ainsi un spectacle impressionnant. Cette tradition met davantage l’accent sur la force brute des taureaux et la maîtrise des participants pour les monter et les contrôler.

Le kidramadrama, quant à lui, est pratiqué par les Sakalava sur l’île de Nosy Be. Contrairement à savika, qui se concentre sur la lutte entre l’homme et le taureau, le kidramadrama utilise un tissu appelé lambahoany pour agiter le zébu et provoquer sa réaction. Le jeu se termine lorsque le zébu est fatigué ou ne réagit plus aux provocations. Cette tradition est associée à des festivités, en particulier à l’Aïd chez la communauté musulmane de Nosy Be.

Ces différentes traditions de combat de taureaux témoignent de la diversité culturelle de Madagascar et de l’importance de l’animal dans la vie quotidienne des Malgaches. Chacune de ces traditions a ses propres particularités et contribue à enrichir le patrimoine culturel de l’île.

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